
Nous sommes à la mi-carême. Le premier mot du chant d’ouverture latin lui a donné son nom: Laetare, «Réjouis-toi, Jérusalem! Jubilez de sa joie, vous qui étiez dans la tristesse!» Dans les régions où existe le carnaval juste avant le Carême, on récidive en ce dimanche. Peut-être ne sait-on plus pourquoi, au juste. C’est parce qu’autrefois le Carême était rigoureux, et les gens étaient heureux d’en être déjà arrivés à la moitié!
Mais la joie à laquelle invite la liturgie en termes bibliques n’est pas de cet ordre. Avec la liturgie, nous pouvons nous réjouir qu’il ne reste plus qu’une moitié du Carême à parcourir pour arriver à Pâques. Car Pâques est la joie suprême: cette fête célèbre la vie nouvelle que le Christ a inaugurée par sa résurrection, et que les futurs baptisés seront appelés à partager en vérité.
Une figure annonciatrice de Pâques est évoquée dans la première lecture: libérés de la servitude endurée en Égypte, les rescapés de la longue marche au désert célèbrent pour la première fois la Pâque à l’entrée de la Terre promise. Leur nourriture n’est plus l’austère manne mais les produits de la terre de Canaan. À Pâques, les nouveaux baptisés prendront aussi une nourriture nouvelle, celle de l’eucharistie.
La Pâque inaugurée par le Christ est également évoquée dans la deuxième lecture: «Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ», comme le dit magnifiquement saint Paul. «Il a réconcilié le monde avec lui», car «il n’a pas tenu compte des fautes des hommes.» Et cela crée « un monde nouveau».
Cette conviction de saint Paul est un parfait écho de la parabole du fils prodigue (évangile) où l’on voit effectivement que le Père ne tient pas compte des lourdes fautes de son fils: il lui pardonne sans un mot de reproche, et lui ouvre ses bras. Nous avons là, dans la parole de Jésus, la révélation du vrai visage de Dieu, celle qui rend caduque les représentations archaïques d’un Dieu vengeur, celle qui ne cesse de surprendre ceux qui sont persuadés d’être déjà des justes, tels le fils aîné. Mais la réponse du père divin est sans réplique: «Il fallait festoyer et se réjouir.»
© Missel des Dimanches 2022